Livre 'Pas de pitié pour les gueux' de Laurent Cordonnier

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Caractéristiques

Auteur : Laurent Cordonnier
Publication : 2000
Editeur : Raison d'agir
ISBN : 2-234-05186-X
Nombre de pages : 126
Prix : 30,00 francs (4,57 euros)


4ème de couverture

Pourquoi y a-t-il du chômage ? Parce que les salariés en veulent toujours trop... parce qu'ils recherchent la sécurité, la rente et se complaisent dans l'assistanat... parce qu'ils sont roublards, paresseux, primesautiers et méchants, etc. Voilà ce que racontent, en termes certes plus choisis, et avec force démonstrations mathématiques, les théories "scientifiques" élaborées par les économistes du travail. L'auteur se livre ici à un véritable travail de traduction en langage littéraire des théories savantes, au terme duquel il apparaît que leur significationn, "une fois défroquées de leurs oripeaux savants, frôle souvent l'abject, à un point dont on a généralement pas idée". C'est justement pour en donner idée que ce livre est écrit.


Introduction

Milton Friedman, le chef de file du monétarisme, a peut-être raison : la meilleure chose que l'on puisse faire avec les pauvres, c'est de les laisser tranquilles. Ils n'ont que ce qu'ils méritent, et qu'ils ont bien cherché.

C'est en tout cas ce que tente d'accréditer le grand mythe de l'économie du travail. Selon ce mythe, les pauvres et les chômeurs sont les seuls responsables de leur infortune. C'est leur propension à vouloir s'élever sans relâche au-dessus de leur condition qui les fait sans cesse retomber plus bas. Revendiquant toujours au-delà de leur médiocre productivité, recherchant la sécurité, la rente et l'assistance, opportunistes de nature, paresseux en diable, les salariés, qui ne savent accepter leur lot, décident par là même de leur sous-emploi. Le chômage, dans cette perspective, est simplement le sacrifice auquel ils consentent pour se payer, en toute connaissance de cause, l'illusion qu'un pauvre peut s'enrichir. Ce qui apparaît d'emblée à tout homme doué de logique comme une simple contradiction dans les termes (un pauvre qui s'enrichirait...), ne s'éprouve en réalité, pour le pauvre, qu'à travers la pratique répétée de ce sacrifice qu'est le chômage, pratique à laquelle il ne cesse de s'adonner rationnellement. On verra comment c'est possible : les mythes ont toujours une cohérence structurale.

L'objet de ce livre est de donner à voir et à comprendre comment l'économie, la "science économique", et en particulier l'économie du travail, traite du chômage. Ce faisant, et pour reprendre une formule fort en usage autrefois, l'auteur espère que le spectacle de ce que les intellectuels osent raconter sur les salariés et les chômeurs "contribuera à l'édification des masses".

En restant sur ce plan, il s'agira simplement de décrypter les théories économiques qui alimentent la rhétorique des experts, des commentateurs, et (bien souvent) des hommes politiques, concernant la "nécessaire flexibilité du marché du travail". On pourrait donc y voir un manuel d'économie du travail, dans la mesure où il procède à une traduction en termes littéraires de théories savantes dont la caution de scientificité la plus prisée est l'hermétisme du langage mathématique.

Cependant, en montrant à quelles sources puisent ces experts, commentateurs, gourous, politiques, etc., ces lignes aimeraient aussi contribuer modestement à susciter le trouble. L'économie du travail constitue en effet aujourd'hui une véritable fabrique, rationnelle et méthodique, d'outils de domination intellectuelle et de transformation du monde, drapés dans les apparences du discours scientifique. Non que le sérieux de sa méthode et la rigueur de ses raisonnements soient en cause - ce livre est plutôt, sur ce plan là, un hommage à la rigueur formelle de la théorie néoclassique. Mais l'on sait sans doute que tout peut être exact, sans que rien ne soit vrai. En montrant comment, en partant d'hypothèses en apparences plausibles, on peut parvenir à des conclusions aux relents souvent douteux, nous espérons en fournir une nouvelle preuve. Dans les constructions doctrinales de l'économiste, le raisonnement logique et le langage mathématique produisent une partie de l'effet torpide recherché. L'usage systématique de la métaphore et de l'euphémisme (à travers le recours à des termes comme utilité, bien-être, optimum, rationalité, décision, action, etc.) en produit une autre part. Le reste, l'essentiel à vrai dire, provient du non-démontré, de l'assertion péremptoire : le travail est une marchandise comme les autres, objet d'une transaction strictement commerciale entre des individus purement marchands se rencontrant sur un marché. Et si les choses ne sont pas ainsi, du moins voilà ce qu'elles devraient être ! Face à ce postulatum, l'impressionnante rigueur formelle de la théorie néoclassique et les connotations chatoyantes de son lexique servent principalement d'excipient ou d'adjuvant hallocinogène à l'administration de ce message : les salariés se rendent coupables de faire obstacle à l'institution d'un "véritable" marché du travail, et ils le payent au prix du chômage. Notre objectif en procédant à ce travail de traduction des théories savantes, est de dévoiler les procédés qui conduisent assez systématiquement le savant à conclure, au terme d'un raisonnement parfaitement logique : "Pas de pitié pour les gueux".

Si ce projet "pédagogique" réussit, on s'étonnera peut-être alors de ce qu'une vaillante armée de "penseurs", doués de la faculté de raisonner et dotés de la liberté d'expression, se livre pieds et poings liés à la rhétorique d'un pouvoir qui ne leur a rien demandé. Qu'un quelconque régime totalitaire en soit venu à exiger, de ces mêmes âmes raffinées, d'ânnoner en coeur, par exemple, que "le chômage est le produit de la paresse des travailleurs", et nul doute qu'il se serait trouvé quelques courageux pour résister. Qu'une démocratie laisse libre cours à la production intellectuelle (ce que l'on ne saurait trop défendre), et les mêmes slogans sont vociférés dans la joie et la bonne humeur. Comme on le verra, la signification profonde de ces théories, une fois défroquées de leurs oripeaux savants, frôle souvent l'abject, à un point dont on n'a généralement pas idée. C'est justement pour en donner une idée que ce livre est écrit.

Cet ouvrage s'adresse donc - chose que l'on jugera peut-être incongrue de la part d'un économiste - ... à ses lecteurs. Il peut répondre à la curiosité de ce lecteur du Monde, par exemple, qui s'étonne de certains propos tenus par Alain Minc dans un "point de vue" du même journal, quelques jours auparavant. M. Minc écrivait : "Chacun sait qu' il existe des chômeurs par choix rationnel, c'est-à-dire des individus qui, compte tenu des systèmes d'aide et des effets de seuil au moment du retour sur le marché du travail, préfèrent s'inscrire à l'ANPE, quitte à exercer une activité partielle au noir". Indignation de notre lecteur : "Comment peut-on utiliser de tels mots envers des gens qui sont pour la plupart dans la désespérance, mais qui contrairement à ce que pense M. Minc désirent trouver du boulot ?". Répondre encore à cet autre lecteur du Monde, qui s'étrangle quelques semaines plus tard à la lecture d'un compte rendu de colloque organisé par des "proches" du président de la République, où l'on prête ces propos à M. Christian Saint-Etienne : "L'assistance engendre la paresse. [...] les RMIstes sont des maximisateurs de profits". "Comment peut-on qualifier ainsi des gens qui ne touchent que 2 500 francs par mois ?", s'insurge le lecteur. Comment ? C'est ce qui ne devrait plus poser problème à qui aura bien appris son économie du travail.

Pour s'en convaincre, nous commencerons par présenter la théorie de la décision qui fait d'un salarié un offreur de travail, et du capitaliste un demandeur de travail (chapitre 1). Puis nous examinerons le "fonctionnement" de ce marché, où se confrontent l'offre et la demande de travail, confrontation d'où résultent le niveau de l'emploi et le montant du salaire (chapitre 2). Il deviendra "évident" que le chômage ne peut provenir que d'une perturbation du fonctionnement harmonieux du marché du travail... ce que les salariés, munis d'une rationalité économique sans faille, n'hésitent jamais à provoquer, si tel est leur intérêt. Le SMIC et les syndicats, en tant que dispositifs mis en oeuvre rationnellement par les salariés pour maximiser leur bien-être, sont bien responsables du chômage volontaire des intéressés (chapitre 3). Il en va de même des dispositifs d'aide ou d'assurance grâce auxquels ils s'octroient des allocations de toutes sortes, et que nous aurions sottement tendance à envisager comme des protections contre le risque du chômage. En réalité, encourageant l'indolence et l'oisiveté, ces dispositifs sont la cause même du chômage (chapitre 4). A moins que cette cause ne réside dans les vices de la classe laborieuse elle-même. Poltrons, roublards, primesautiers, paresseux et méchants, les salariés n'ont que ce qu'ils méritent (chapitre 5). Ces théories n'étant pas exclusives les unes des autres, on indiquera en conclusion comment elles s'épaulent pour justifier finalement une "intégration" macro-économique, qui fait du chômage une caractéristique "naturelle" du marché du travail... cependant pas si "naturelle" que cela. Car l'on comprendra alors qu'il revient aux banques centrales d'entretenir le stock de chômeurs qui est juste suffisant pour protéger les intérêts des capitalistes. La lutte des classes ayant en quelque sorte, et pour un temps sûrement, rejoint ses quartiers d'hiver sous les lambris dorés des hôtels de la monnaie.


Table des matières

7 Intoduction
13Veille de marché : le travailleur et son patron
 Qu'est-ce que le travail ?, 16. - L'offre de travail, 20. - La demande de travail, 25.
31Le marché du travail
47A bas le SMIC
65Haro sur les assistés
79Sus aux fainéants
 La théorie du travailleur poltron, 84. - La théorie du salarié roublard, 87. - La théorie du salarié paresseux, 89. - La théorie du salarié primesautier, 95. - La théorie du salarié méchant, 97. - Le chômage n'est pas le problème, c'est la solution, 100.
105Conclusion
111Notes
121Références citées
123Indications bibliographiques

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